Je ne suis ni responsable politique, ni juriste, ni ingénieur spécialiste en écologie. Je suis médecin et surtout une simple citoyenne de mon pays.
Quelle ne fut pas ma surprise, lors de mon installation dans le quartier d’Anglet sur la rive droite de l’Adour, de découvrir les usines du port industriel qui déversent continuellement leurs rejets dans l’eau, dans les sols, dans l’air que mes enfants et moi-même respirons tous les jours.
Bien loin de l’image que l’on peut se faire de l’activité tranquille d’un port avec le ballet des cargos qui déversent leurs marchandises, le port industriel est une zone de non droit à ciel ouvert où les exploitants font ce que bon leur semble, imposant leurs projets à des pouvoirs publics qui n’ont de pouvoir plus que le nom.
L’action judiciaire que je mène avec les membres du collectif RESPIR ! m’a permis de lever le voile sur la pratique des pouvoirs publics, en particulier des préfectures et des services de la DREAL envers certains industriels du port et la manière dont la France s’arrange pour repousser toujours plus loin les échéances de mise aux normes environnementales.
L’exemple de l’aciérie Celsa contre laquelle nous avons décidé d’agir est tout simplement édifiant !
Au départ il y avait ce que l’on appelait les forges de l’Adour qui ont ensuite été dénommées ADA pour « Aciérie De l’Atlantique ». Cette usine d’un autre âge a été reprise en juillet 2007, par le groupe catalan Celsa Group l’usine devenant alors Celsa France.
Cette aciérie développe une activité de recyclage d’acier. Le recyclage consiste en la récupération de morceaux de ferrailles qui sont fondus pour produire des billettes d’acier.
Pour permettre la réalisation de ce projet, Celsa France a bénéficié d’une autorisation environnementale portée dans l’arrêté du 24 mai 2016 n° 2016-227 signé conjointement par le Préfet des Landes et le Préfet des Pyrénées-Atlantiques.
L’arrêté impose des valeurs limites de rejet de produits polluants dans l’environnement. Ces restrictions portent sur :
- La pollution atmosphérique ;
- La pollution des milieux aquatiques ;
- Les nuisances sonores ;
- L’impact radiologique des sols pollués du site ;
Jusqu’ici on peut se dire que tout semble géré au mieux, que nous sommes protégés et que l’activité de l’usine est bien encadrée.
Ça c’était ce que je pensais avant de découvrir que :
- Les analyses de polluants sont réalisées par l’industriel lui-même qui engage ses propres bureaux d’études. Les contrôles s’effectuant lorsqu’il le décide (un peu comme si l’on confiait les contrôle d’alcoolémie aux alcooliques eux-mêmes);
- Les préfectures facilitent la vie de l’industriel en lui accordant des autorisations avant des modifications législatives pour ne pas qu’il ait à être soumis à de nouvelles normes plus contraignantes ;
- Les préfectures ne se préoccupent pas de ce que certaines normes environnementales ne soient pas validées même des années après qu’elles auraient dues l’être (SDAGE Adour Aval 2016-2021 non validé à fin 2021 !) ;
Grâce à cela les préfectures prétendent ne pas être informées alors que cela fait plus de 10 ans qu'il y a des réunions de quartier, ainsi qu'au sein du SPPPI Estuaire Adour, des articles dans les journaux locaux, évoquant la pollution du port.
Rien qu'un exemple en 2019 avec l’incident des boues rouges où les portiques de radioactivité se sont mis en état d'alerte.
N'est-ce pas les préfectures qui ont autorisé puis stoppé ce procédé pour dépolluer un sol pourri de plomb ?
Je suis médecin et il y a dans ma rue deux personnes présentant des cancers de la bouche, sans facteur de risque : pas de tabac, pas d'alcool, pas d'antécédent familial... Est-ce un hasard ? Pourquoi aucune étude sanitaire n’a été engagée alors que partout des signaux indiquent un impact potentiel des pollutions sur la santé des riverains et peut-être même sur celle des résidents de passage tels que les touristes ?
J’ai été stupéfaite d’apprendre dans un des rapports d’étude qu’en avril 2019 un pic de pollution à l’arsenic avait été détecté sur le port de plaisance d’Anglet.
Que dire également de la protection des salariés à l'intérieur de l'usine ? Les pollutions que nous subissons ne sont certainement pas comparables à celles qu’ils peuvent endurer (poussières de métaux lourds, risques radioactifs…) ?
N'est-ce pas une nouvelle fois la RESPONSABILITÉ des préfectures de protéger également ces personnes ?
L’impuissance de l’administration, qu’elle soit voulue ou subie est bien réelle et elle nous mène aujourd’hui à une situation qui n’est plus tenable.
Nous sommes aujourd’hui tous obligés de prendre sur notre temps pour faire le travail qui n’a pas été fait par les autorités publiques.
Il est de notre responsabilité de nous mobiliser pour que les choses avancent et que le laisser faire des années passées ne soit plus une réalité.
C’est pour toutes ces raisons que je me suis engagée au côté du collectif.
Morgane THIRY
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